dimanche 29 septembre 2013

PLACE SAINT-SULPICE, PARIS VIe arrondissement.


Cette place fut créée en 1838 et ne reçut sa fontaine qu'en 1848. Auparavant, son emplacement était occupé par un cimetière et l'ancien séminaire Saint-Sulpice qui fut démoli dans les premières années du XIXe siècle.
Le nouveau bâtiment du séminaire construit en 1820 par l'architecte Godde accueillit des séminaristes jusqu'en 1906, c'est-à-dire jusqu'à la séparation de l'église et de l'état. C'est depuis un centre des Finances Publiques où sont en particulier regroupés les contrôleurs fiscaux.
La façade austère de l'édifice correspond bien au sérieux des personnes qu'il hébergea ou qu'il héberge encore qu'ils soient de futurs prêtres ou des fiscalistes.




Mais qui était donc Saint Sulpice ? C'était un évêque de Bourges qui vécut auparavant à la cour de Clotaire II dont il était le chapelain. Surnommé le Pieux, le Bon ou le Débonnaire, il était né en 576 et mourut en 647. Il est fêté le 17 janvier, mais il est peu probable que des parents donnent encore ce prénom à leurs enfants.
A partir de la pose de la première pierre en 1646, nombreux furent les architectes à s'occuper de sa construction : Christophe Gamard, Louis Le Vau, Daniel Gittard, Gilles-Marie Oppenord, Giovanni Servandoni, Oudot de Maclaurin et Jean-François Chalgrin.
L'église ne fut achevée qu'en 1788 par la tour nord. En effet, la façade présentée par Servandoni ayant déplu, on demanda à Maclaurin d'en concevoir une autre, ce qu'il commença à faire. Malheureusement, la construction de la tour sud déplut également et ce fut donc Chalgrin qui construisit la tour nord. C'est ainsi que cette église monumentale possède deux tours différentes.
Demeurée longtemps en travaux pour restauration, elle est maintenant rendue à ses admirateurs. 
Au cente de la place rectangulaire, se dresse une fontaine octogonale à trois étages de bassins, oeuvre de Louis Visconti (1791-1853).


                 

Chaque niche reçoit la statue d'un évêque et prédicateur illustre du règne de Louis XIV.
Evidemment, d'abord, Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704), grand orateur, ardent théologien qui réussit quelques conversions spectaculaires. Précepteur du Grand Dauphin. Evêque surnommé l'Aigle de Meaux.
François de Salignac de la Mothe-Fénelon (1651-1715), précepteur du Duc de Bourgogne, fils du Grand Dauphin, écrivain, auteur des Aventures de Télémaque, archevêque de Cambrai, surnommé le Cygne.
Valentin Esprit Fléchier (1632-1710), orateur réputé en particulier dans les éloges funèbres, aumônier de la Grande Dauphine, évêque de Lavaur puis de Nimes.
Jean-Baptiste Massillon (1663-1742), auteur lui aussi d'oraisons funèbres et surtout de celles du Dauphin et de Louis XIV lui-même, évêque de Clermont.
                     


Sur les autres faces de l'octogone, des lions rugissants séparent les bassins intermédiaires.

Sous leurs pattes, figurent les armes de Paris. L'ensemble serait l'oeuvre du sculpteur Jacques Fauginet (1809-1847).


La place vue depuis l'église. Au fond, la mairie du VIe arrondissement dont il fut question dans l'article qui lui est consacré : cliquer ici.
A droite de la mairie, existait naguère un cinéma, "le Bonaparte". L'immeuble abrite aujourd'hui une maison d'édition.

Il semble qu'en 1619, alors que le cimetière existait encore, trois femmes nommées Claire Martin, Jeanne Guierne et Jeanne Cagnette furent surprises en pleine cérémonie de sorcellerie. C'est le fossoyeur qui les découvrit et réussit à attraper l'une d'entre elles. Il trouva là où elles avaient creusé le sol, un "coeur de mouton plein de clous à lattes, lardé en forme de demi-croix et force bouquets d'épingles y tenant".
Ayant été menées devant la justice, les trois sorcières furent condamnées au fouet, et Claire Martin vue comme la meneuse, condamnée à être marquée à la fleur de lys et au bannissement. Ayant fait appel, sa peine fut limitée au fouet et au pilori. 

vendredi 27 septembre 2013

RUE FEROU, PARIS 6e arrondissement

La rue Férou prolonge la rue Henri de Jouvenel qui commence elle-même place Saint Sulpice. Elle rejoint la rue de Vaugirard face au Musée du Luxembourg.
Elle fut créée en 1517 sur des terrains appartenant à un certain Etienne Férou, procureur.

Tant qu'elle se nomme Henri de Jouvenel, cette rue longe le mur est du Centre des Finances Publiques, ancien séminaire de Saint-Sulpice. Et depuis juin 2012, ce mur est recouvert d'un poème d'Arthur Rimbaud, "Le Bateau Ivre".
Véritable curiosité, ce décor est dû à une association néerlandaise, la fondation Tegen-Beeld et est l'oeuvre de Jan Willem Bruins.



Le N°6 abrita les amours du jeune Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord alors séminariste juste à côté. Il y retrouvait une comédienne Dorothée Dorinville dite Luzy. C'est un magnifique hôtel particulier orné de bas-reliefs qui ne sont pas sans rappeler ceux qui ornent la Fontaine des Quatre Saisons, rue de Grenelle.
Ladite Luzy habita cet hôtel de 1770 jusqu'à 1785. Elle fut aussi courtisée par le poète Claude Joseph Dorat qui lui consacra comme il se doit un poème.
C'est aussi dans cet hôtel que vécut Henry de Jouvenel (1876-1935) raison pour laquelle on donna son nom au bas de la rue. Ce journaliste et homme politique fut l'époux de Colette de 1912 à 1925. Il fut plusieurs fois ministre et sénateur.

 








Au n°4, a vécu Jacques Prévert (1900-1977) alors âgé de sept à neuf ans. Ce bâtiment était à l'origine l'hôtel François Mahé de la Bourdonnais, gouverneur des Mascareignes.
Il fut construit au XVIIIe siècle.

         
Depuis la rue de Vaugirard, on aperçoit au bout de cette rue étroite, les tours de Saint-Sulpice légèrement masquées par les branches d'un arbre.
Autres anecdotes sur la rue Férou :
au n°9, fut caché quelques jours, Lavoisier alors qu'il était recherché par le tribunal révolutionnaire. Ne supportant pas l'amie qui l'hébergeait, il s'échappa et du coup fut arrêté et guillotiné le 8 mai 1794. Ayant demandé un sursis pour terminer ses travaux, il se vit répondre par le président du tribunal (un génie dans le genre) : "la République n'a pas besoin de savants, ni de chimistes".
Au 11, se trouvait le couvent des bénédictines de l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement où des religieuses priaient jour et nuit, la corde au cou et un flambeau en main, pour faire amende honorable des outrages commis sur le Saint-Sacrement. Le couvent a été déplacé en 1699.
Au n°15, vécut le peintre Henri Fantin-Latour.

mercredi 25 septembre 2013

CHAPELLE NOTRE-DAME DE LA COMPASSION - PARIS 17e arrondissement.

Place du Général Koenig, Paris 17e

Cette construction commémore un événement tragique survenu le 13 juillet 1842.
Le duc Ferdinand d'Orléans fils aîné de Louis-Philippe 1er, était un prince très populaire. Né en 1810, il avait été nommé colonel par son lointain cousin le roi Charles X à l'âge de 14 ans. En 1830, lors de la révolution des Trois Glorieuses, le jeune duc qui n'a pas 20 ans, fait arborer la cocarde tricolore à ses hussards.
Membre du Conseil Royal à l'avènement de son père, il se fait détester par les ministres qu'il trouve trop lents à agir. Il est évincé du conseil en 1831 et part à Lyon remettre de l'ordre lors de la révolte de canuts. Il y réussit sans violence excessive. 
L'année suivante, lors de l'épidémie de choléra, il visite les malades sans se soucier des risques de contagion.
Il se construit ainsi une image de prince généreux et proche du peuple.
Il devient aussi une sorte de héros militaire lors de ses expéditions en Algérie où il participe à la conquête du territoire.
Il se marie avec Hélène de Mecklembourg-Schwerin en 1837. C'est un mariage heureux et ils ont rapidement deux enfants. Tout va bien dans cette monarchie bourgeoise qui peut envisager l'installation d'une nouvelle dynastie.
- C'est alors que le drame éclate. Le 13 juillet 1842, le Duc allant déjeuner chez ses parents à Neuilly, passe à la porte des Ternes. Les chevaux de sa calèche s'emballent. D'après certains témoignages, il aurait voulu sauter du véhicule, d'après d'autres, il aurait été projeté hors de la voiture. Il heurte le pavé de la tête et transporté inanimé dans l'épicerie voisine des époux Cordier, il y meurt. Il n'a que 32 ans.
En 1843, à la demande du roi son père, une chapelle fut érigée par Pierre-François-Léonard Fontaine à l'emplacement de l'épicerie Cordier rachetée pour l'occasion.
En 1964, la chapelle fut déplacée d'une centaine de mètres pour permettre la construction du souterrain de la Porte Maillot.


L'édifice de style néo-byzantin a la forme d'une croix grecque. 
A l'intérieur, on peut voir le cénotaphe du prince dû au sculpteur Henry de Triqueti et des vitraux exécutés d'après des cartons d'Ingres.
   
Alfred de Musset écrivit pour cette circonstance, un poème qu'il intitula "Treize juillet". En voici les première et dernière strophes

       La joie est ici-bas toujours jeune et nouvelle,
Mais le chagrin n'est vrai qu'autant qu'il a vieilli.
A peine si le prince, hier enseveli,
Commence à s'endormir dans la nuit éternelle ;
L'ange qui l'emporta n'a pas fermé son aile ;
Peut-être est-ce bien vite oser parler de lui. 
Car la France, hier encor la maîtresse du monde,
A reçu, quoi qu'on dise, une atteinte profonde,
Et, comme Juliette, au fond des noirs arceaux,
A demi réveillée, à demi moribonde,
Trébuchant dans les plis de sa pourpre en lambeaux,
Elle marche au hasard, errant sur des tombeaux.
Notre-Dame, lors des obsèques du duc.
Le duc Ferdinand d'Orléans et son épouse Hélène.

vendredi 20 septembre 2013

HÔTEL DE VILLE DE PARIS - IV arrondissement.

L'Hôtel-de-Ville de Paris malgré son aspect Renaissance date de 1882.
Incendié et détruit en mai 1871 par les Communards, il fut décidé de le reconstruire dès la paix revenue. Les architectes Théodore Ballu et Edouard Deperthes remportèrent le concours et rendirent à l'édifice son style d'origine.
En revanche, et ce n'est pas incompatible, à l'intérieur, la décoration est nettement IIIème République. C'est-à-dire un style issu du Second Empire, chargé d'ornements, de dorures et de symboles destinés à glorifier la France et les Français et qui s'inspire de tous les styles du passé. C'est ainsi qu'on a vu tout au long de cette époque, des édifices néo-gothique, néo-roman, néo-renaissance ou néo-classique.
Même les amateurs de simplicité et de dépouillement ne peuvent nier le côté imposant de l'édifice.
Façade est sur la rue de Lobau
Dès l'entrée, on se trouve dans l'ambiance avec une volonté manifeste de faire dans le grandiose. L'escalier qui suit n'y échappe pas et pourtant, il n'est que secondaire.

                         

De nombreux artistes (peintres, sculpteurs, verriers, etc..) participèrent à la décoration. Ainsi, le peintre symboliste Pierre Puvis de Chavannes eut même l'honneur de se voir attribuer un salon entier qu'il orna de deux tableaux monumentaux, l'Hiver et l'Eté.
 
Un autre artiste s'est vu attribué un salon : il s'agit du peinte Georges Bertrand (1849-1929) auteur des décors du plafond et des scènes champêtres au dessus des portes.
Ce salon dédié aux activités humaines des campagnes est aussi décoré de statues sur le même thème. Ainsi la chasse par Louis-Ernest Barrias ou les vendanges par Gustave Crauk (1827-1905).
 


On peut conclure en voyant ces oeuvres que l'art idéalise beaucoup ses sujets. En effet, il est difficile de comparer ce laboureur triomphant avec le pauvre bougre peinant derrière sa charrue et insultant ses boeufs pour les faire avancer; ou de rapprocher le spectacle de cette charmante chasseresse à la poitrine épanouie de celui d'un vieux chasseur plastronnant devant son tableau de chasse sanguinolent.





Au hasard de l'avancée dans le dédale des couloirs, on est souvent amené à passer dans une galerie éclairée par des vitraux destinés à mettre en lumière (c'est le cas de le dire!) les métiers de l'artisanat ou les prévôts de l'histoire parisienne. Les habitués de ce blog connaissent mon penchant pour les taches de lumières venues des rayons du soleil traversant les vitraux. J'ai eu la bonne surprise d'en découvrir, colorant le buste d'un prévôt du XVe siècle, Jean Jouvenel des Ursins (1360-1431). Cet illustre personnage connut une carrière bien remplie et fut le père de seize enfants dont deux archevêques et un chancelier royal.
                    

Les fenêtres devant lesquelles on passe ne sont pas toutes en vitrail. Certaines offrent une vue sur la cour intérieure, d'autres apportent une vue originale sur l'Île de la Cité et la statue d'Etienne Marcel.

                   

Le plus spectaculaire de l'Hôtel de Ville de Paris est sans conteste la salle des fêtes. C'est la pièce d'apparat où les architectes n'ont rien négligé pour inonder le visiteur de dorures, de statues, de peintures, de décors tous plus exubérants les uns que les autres.
 

  




Un autre lieu magnifique de l'Hôtel de Ville est la bibliothèque. Elle est située au quatrième étage accessible par un modeste escalier étroit. Sa salle de lecture est impressionnante.

 La bibliothèque détruite en 1871 fut reconstituée à partir de 1872 et compte 600 000 volumes, ainsi que des fonds photographique et de dessins de 10000 pièces chacun.



Evidemment, on ne peut rester indifférent à la salle du conseil; c'est là que se tiennent les réunions du conseil municipal.
 
Présidés par le maire, des débats plus ou moins houleux se tiennent ici environ une fois par mois durant deux à trois jours consécutifs.



Avant d'arriver dans le Saint des Saints, alias le bureau du maire, il faut rendre visite à la salle de lecture des conseillers. De dimensions réduites, elle est décorée de peintures dues au peintre académique Edouard Detaille et d'une statue émouvante représentant Turenne enfant par Lucien-Benoit Hercule. On peut aussi voir cette statue rue de Turenne à l'angle formé avec la rue de Normandie.



Et voilà maintenant l'instant solennel où nous découvrons le bureau du maire de Paris. On peut constater l'éclectisme de ses goûts, puisque le mobilier et la décoration mélangent hardiment le classique, le moderne et le contemporain.
On ne peut conclure cet article sans parler du grand escalier d'honneur. Avec ses marches de marbre, il semble très dangereux pour les femmes de le pratiquer en talons aiguille (et encore plus pour les hommes qui y sont moins habitués).

 




Je prie mes lecteurs d'avoir de l'indulgence pour la qualité des photos présentées : à l'intérieur, la lumière était très faible malgré le beau temps. Pour voir de meilleures photos de l'intérieur de l'Hôtel de Ville de Paris, cliquez ici