vendredi 21 février 2014

SQUARE LOUVOIS - PARIS 2e arrondissement

Cet enclos de verdure est cerné par des rues relativement peu fréquentées par la circulation. Placé devant l'entrée de la Bibliothèque Nationale, il occupe l'emplacement où jadis se trouvaient deux hôtels appartenant, l'un au marquis de Louvois et à ses descendants, l'autre au cardinal de Coislin puis au chancelier de Miromesnil. Pendant la Révolution, on démolit ces deux hôtels et on construisit à la place le Théâtre National. Il y resta jusqu'en 1820 après avoir reçu la troupe de l'Opéra.
Le 13 février 1820, un ouvrier sellier du nom de Louis Pierre Louvel, bonapartiste, poignarda le duc de Berry venu assister au spectacle donné à l'Opéra. En 1820, c'était Louis XVIII qui était le roi et il n'avait pas d'enfant. Son neveu, Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Berry, fils du comte d'Artois (futur Charles X), était le dernier descendant direct de la dynastie des Bourbons. L'assassin espérait éteindre la dynastie par ce meurtre, mais au mois de septembre, la duchesse de Berry mit au monde un garçon que les royalistes surnommèrent l'enfant du miracle. Duc de Bordeaux, puis appelé comte de Chambort, il mourut en 1883, sans postérité et après avoir perdu le trône en 1871, dans son intransigeance à vouloir garder le drapeau blanc des Bourbons.

Cet espace vert créé en 1834 est entouré d'immeubles qui ne présentent pas d'intérêt particulier, mais possède en son centre une belle fontaine conçue en 1844 par Louis Visconti (1791-1853) l'architecte de la fontaine Saint-Sulpice (de la même époque, voir ici).
Cette fontaine monumentale est ornée de quatre figures féminines représentant de grands cours d'eau français.
                                

Il y a la Loire, la Seine, la Garonne et la Saône. Des quatre, quelle est celle qui est la moins pudique? Pour moi, c'est la Loire dont la tenue fort légère est par ailleurs la plus érotique.


Le bassin supérieur est entouré de mascarons entre lesquels on peut voir les symboles du zodiaque.



 Sous ce bassin des tritons mythologiques chevauchent des dauphins qui ne le sont pas moins .






Entre autres rues qui aboutissent ou qui encadrent cette place, il y a la rue Chabanais, qui accueillait entre 1878 et 1946, la plus sélecte des maisons closes de Paris, le Chabanais. Cet établissement recevait les plus hautes personnalités du monde entier en visite en France. Le roi Edouard VII y eut ses habitudes (voir ici) et bien d'autres. On raconte que lors de l'exposition universelle de 1889, la visite des officiels au Chabanais était dissimulée sous l'intitulé "visite au président du Sénat". Cette maison était au n°12.

 Dans cette rue actuellement occupée par de nombreux restaurants japonais, Eugène Violet-le-Duc vit le jour le 27 janvier 1814. Il était le fils d'Emmanuel Viollet-le-Duc, écrivain qui était aussi bibliophile et qui fut un des créateurs de la Bibliothèque Elzévirienne. Eugène Viollet-le-Duc génial architecte, fut à l'origine de la restauration de nombreuses cathédrales et nombreux châteaux dont les plus célèbres sont Notre-Dame de Paris et la cité de Carcassonne. Fortement contesté par certains, on lui doit malgré tout, la survivance d'une grande partie du patrimoine de la France.


jeudi 13 février 2014

RUE DE BRAQUE - PARIS 3e arrondissement.

Voici une rue qui ne paye pas de mine, à priori. Elle est courte, étroite et un peu sombre. Elle recèle pourtant des trésors.
Elle se nommait jadis rue des Boucheries-du-Temple parce qu'elle abrita à partir de 1182, une boucherie qu'avait établie l'ordre du Temple dont la commanderie était voisine. Elle prit ensuite le nom de la famille de Braque, propriétaire du quartier au XIVe siècle.
Les numéros 4 et 6 concernent l'hôtel Le Lièvre ou de la Grange construit en 1663 puis reconstruit en 1748 pour la famille du même nom. Le marquis de la Grange, par ailleurs Maréchal de Camp, gouverneur de Brie-Comte-Robert (sic), l"avait hérité de son père. Le dit marquis partagea la propriété en 1740 avec sa soeur Madame Joly de Fleury.
Je ne sais pas à quel Joly de Fleury cette dame était mariée; ils étaient cinq, le père et ses quatre fils, vivant à l'époque de cette cession de propriété. J'attire simplement l'attention sur un des fils, Joseph Omer Joly, fervent adversaire des encyclopédistes et de l'inoculation antivariolique en vogue en Angleterre et premier balbutiement de la vaccination. Voltaire ne manquait jamais de faire des bons mots sur lui. Il l'appelait "petit singe à face de Thersite" ou disait qu'il n'était "ni Homère, ni joli, ni fleuri".
Pour en revenir à l'hôtel, il est remarquable par sa double façade, ses portails ouvragés et ses balcons soutenus par des têtes sculptées (d'un côté des visages de vieillards, de l'autre des têtes de boucs).
Il semble que l'intérieur possède un bel escalier, un plafond peint par Le Brun, etc..
                   

               



 En face, sous le numéro 7, s'ouvre le petit hôtel de Mesmes qui fut habité par Charles Gravier, comte de Vergennes, ministre des Affaires Étrangères de Louis XVI et qui fit reconnaître l'indépendance des États-Unis par l'Angleterre. A l'origine, le bâtiment faisait partie du gigantesque hôtel de Montmorency, demeure d'Anne de Montmorency, connétable d'Henri II. Jean Antoine de Mesmes acquiert l'ensemble avant de le revendre séparément au comte de Vergennes.

On ne peut manquer de parler d'un hôtel qui n'est pas dans cette rue, mais qu'on découvre de loin en la parcourant. Il s'agit de l'hôtel de Clisson qui se trouve sur la rue des Archives (ancienne rue du Chaume).
Olivier V de Clisson (1336-1407), connétable de France était surnommé le Boucher à cause de sa cruauté envers ses ennemis. Cet homme de guerre, fils d'Olivier IV, lui-même connétable, eut une vie bien remplie partagée entre ses allégeances versatiles, au roi d'Angleterre, au duc de Bretagne ou au roi de France. Entre 1372 et 1375, il fit construire cette demeure parisienne. C'est un des plus anciens vestiges du passé à Paris. L'hôtel appartint à d'autres familles illustres de l'Histoire de France : les Albret d'abord, puis les Guise à partir de 1553. A cette occasion, Marc Antoine Charpentier musicien attaché à leur service y demeura de 1670 à 1688.
A gauche, les armes des Guise.
A droite, sans doute une branche apparentée
          

Aujourd'hui, il ne subsiste que ce portail monumental, annexé à l'hôtel de Soubise, devenu le conservatoire des Archives Nationales.

vendredi 7 février 2014

RUE SAINT MARTIN - PARIS 3e arrondissement.

J'avais consacré un article au bas de la rue Saint Martin le 26 avril 2013 (voir ici). Je citais entre autres le n° 160 dont la façade m'avait semblé remarquable.
A défaut d'en avoir découvert l'histoire, en voici quelques détails et d'autres curiosités qui se trouve à proximité.
 A gauche le 1er étage, à droite les 2e et 3e étages.
En dessous, les fenêtres du 1er étage et leurs mascarons.

               

Un peu plus loin, au n°166, une pancarte indique que les façades de certains immeubles de cette rue ont été préservés, en dépit des travaux de rénovation qui ont été entrepris dans le quartier et en particulier à la suite de la construction du quartier de l'Horloge qui prend naissance par la rue Bernard de Clairvaux. Une plaque signale aussi que dans cet immeuble est né Gérard Labrunie dit de Nerval en 1808. Il est mort pas loin d'ici en 1855; on l'a retrouvé pendu rue de la Vieille Lanterne non loin de la tour Saint Jacques (voir ici).
            
Juste en face, s'ouvre le passage Molière qui rejoint la rue Quincampoix à son autre extrémité. Il n'a rien de commun dans l'aspect avec ceux que j'ai décrits précédemment. Plus "rustique", il exerce toutefois le même attrait pour le calme qu'on y trouve en comparaison avec la rue Saint Martin. Outre ses pavés anciens, on y découvre plusieurs établissements dignes d'intérêt tels la Maison de la Poésie, l'Espace Aleph, l'atelier des Pieds et des Mains, des restaurants.
                

SQUARE DE L'OPERA et PLACE EDOUARD VII- PARIS 9e arrondissement

Accessible depuis quatre points répartis entre la rue Auber, le boulevard des Capucines, la rue Caumartin et la rue Boudreau, cette zone piétonne forme une enclave au calme reposant au milieu d'un quartier terriblement agité et bruyant. Ce n'est pas à proprement parlé ce qu'on nomme un passage, puisque il n'y a pas de couverture, mais ça y ressemble.
Cette petite enclave abrite deux théâtres et deux statues équestres monumentales.
Tout d'abord, le square de l'Opéra où se trouve le théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet ouvert en 1896. Il est issu d'un projet qui créa l'Eden-Théâtre en 1880. L'existence mouvementée de cet établissement se termina au bout d'une dizaine d'années. Lui succéda la Comédie Parisienne en 1893. Enfin l'Athénée vit le jour et fut inauguré en 1896. En 1934, Louis Jouvet en prit la direction et la conserva jusqu'à sa mort en 1951.
Au milieu de la petite place se trouve un beau groupe sculpté d'Alexandre Falguière (1831-1900), datant de 1897 et intitulé " Poète chevauchant Pégase ".
               

 Quelques mètres plus loin, s'ouvre une allée qui mène, sous un passage voûté, à la rue Caumartin (ce nom était celui d'un prévôt des marchands de 1778 à 1784).







Un peu plus loin encore, s'ouvre la place Edouard VII. Ce souverain du Royaume-Uni peut à juste titre être honoré à Paris car il fut très francophile et pas uniquement dans le cadre purement politique. C'est lui qui détient toujours (mais peut-être pas pour longtemps) le record du nombre d'années à porter le titre de Prince de Galles. Il le fut en effet pendant soixante ans.
Durant toutes ces années, il fréquenta assidûment non seulement les lieux mondains, mais aussi les maisons closes parisiennes.
Une de ses préférées était le luxueux Chabanais dans la rue du même nom. Il y avait fait installé une baignoire sculptée et une chaise de volupté dont je laisse les lecteurs imaginer le nombre de positions extraordinaires qu'on pouvait y prendre. C'était l'ébéniste Louis Soubrier, artisan du faubourg Saint-Antoine qui l'avait spécialement fabriquée.

Devenu roi, Edouard VII usa de son influence dans l'instauration de l'Entente Cordiale qui cella l'amitié entre la France et le Royaume-Uni.
 La statue équestre de ce monarque est une oeuvre de Paul Landowski (1875-1961) datant de 1914. On remarque qu'elle est assez différente de son style habituel (à comparer avec le Christ du Corcovado à Rio ou la Sainte-Geneviève du Pont de la Tournelle).




Sur cette place se trouve un autre théâtre auquel on a donné le nom de ce même roi britannique.

lundi 3 février 2014

PASSAGE BOURG L'ABBE - PARIS IIe arrondissement.

Précédemment, j'avais évoqué le passage du Grand Cerf (voir ici) en ajoutant que de l'autre côté de la rue Saint Denis, existait un autre passage, moins actif, mais non dénué d'attraits.
Appelé Bourg-l'Abbé il permet de passer de la rue de Palestro à la rue Saint Denis.
Construit en 1828 par l'architecte Auguste Lusson, il était en ce temps là, plus long car il permettait de rejoindre un autre passage, celui de l'Ancre qui va de la rue de Turbigo à la rue Saint Martin. Il a donc été raccourci par le percement du boulevard de Sébastopol.
C'est à cette époque justement (1863) que fut construite l'entrée monumentale sur la rue de Palestro, par l'architecte Henri Blondel et le sculpteur Aymé Millet.
Les deux cariatides représentent le Commerce et l'Industrie et le cartouche au centre est orné d'une ruche, symbole de travail assidu.
Pendant longtemps durant les années 1980-90, ce lieu fut laissé un peu à l'abandon avec des locaux utilisés comme entrepôts. En 2003, l'entreprise "Serres et ferronneries d'antan" le rénova entièrement et lui rendit son charme.

Dés l'entrée, on est accueilli par une belle voûte joliment décorée. On découvre des boutiques anciennes qui ont changé d'activité, telle cette papeterie-imprimerie reconvertie dans l'installation de cuisine et de salle de bains, ou cette entreprise Lulli qui n'a rien  à voir avec le musicien préféré de Louis XIV, mais qui travaille dans l'ébénisterie. La vitrine de la "papeterie" expose entre deux objets sanitaires anciens, une aquarelle représentant le portail d'entrée du passage.
Les luminaires méritent également qu'on leur accorde un regard.


 L'autre issue donnant sur la rue Saint Denis est beaucoup moins monumentale mais la vue sur l'enfilade de la galerie montre un baromètre éclairé par la jolie et assez rare verrière en berceau.







Prochainement, j'enchaînerai  avec le passage de l'Ancre qui poursuit la promenade jusqu'à la rue Saint Martin.