mardi 29 avril 2014

PASSAGES DU PONCEAU et DU CAIRE (et impasses voisines) - PARIS IIe arrondissement

En tant qu'adjectif, le mot ponceau (passablement vieilli) qualifie une chose d'un rouge éclatant comme le coquelicot.
Mais ceci n'a strictement rien à voir avec ce qui nous intéresse dans le cas présent. Autrefois, un égout à ciel ouvert passait par là pour se jeter dans un plus grand collecteur qui lui-même conduisait les "eaux sales" vers la Seine. Un petit pont qu'on appelait le ponceau, le traversait à la hauteur de la rue Saint-Denis. Évidemment, les habitants trouvaient que ça puait et donc, en 1605, le prévôt François Miron fit recouvrir ce cloaque nauséabond entre la rue Saint-Martin et la rue Saint-Denis. Le pont disparu, une rue fut créée qui s'appela d'abord rue de l'Egout du Ponceau, puis rue du Ponceau. Quand en 1826, on construisit un passage à proximité, on lui donna naturellement ce nom.

 Reliant le 212 de la rue Saint-Denis au 119 du boulevard Sébastopol, il n'a rien de spectaculaire, mais il possède une belle verrière (refaite en 1973) et deux belles entrées.
 Les boutiques qu'on y trouve participent de l'ambiance générale du quartier du Sentier: on y trouve essentiellement des vêtements et un ou deux restaurants, mais aussi un fleuriste.

Juste en face dans la rue Saint-Denis, s'ouvre le passage du Caire dont l'autre extrémité aboutit à la place éponyme.
Cette place du Caire est le centre d'un quartier dédié à l'égyptomanie qui régna après la campagne de Bonaparte aux pays de Pyramides, puisqu'on y trouve aussi la rue d'Aboukir, la rue d'Alexandrie, la rue de Damiette ou la rue du Nil.
Datant de 1799, l'immeuble qui abrite l'entrée du passage est une synthèse de cet engouement pour l'Egypte. Il est construit à l'emplacement du couvent des Filles-Dieu démoli l'année précédente.

 
La triple effigie de la déesse Hathor, est surmontée d'une frise inspirée des trouvailles des archéologues qui avaient découvert les merveilles de l'antiquité égyptienne.

Au centre de la place, une statue qui n'a rien à voir avec l'Egypte. C'est une oeuvre d'Olivier Brice, spécialiste des drapés, qui s'appelle "l'Homme au bras levé".

C'est près d'ici que s'était établie la plus importante cour des miracles de Paris. Datant du XIIIe siècle, elle était constituée d'une cour infecte entourée de masures branlantes où logeaient une foule de mendiants et de voleurs de toutes sortes. C'était une école du crime où régnait le calme dans la journée mais où le soir arrivant, la foule des faux amputés, faux orphelins ou faux en tout genre revenait pour ripailler. Car la philosophie de l'endroit était de ne jamais rien garder pour le lendemain. Il y avait un roi appelé le Grand Coësre à qui on remettait une part de ce qu'on avait gagné et qui rendait la justice.
En 1667, Nicolas de la Reynie, premier Lieutenant de police de Paris aidé d'une troupe nombreuse détruisit la cour des miracles et envoya sa population en prison ou à l'hôpital.

Sur la rue Saint-Denis, à proximité des passages évoqués au-dessus, existent deux impasses étroites, presque des boyaux dont les habitants ne doivent pas voir souvent le soleil. Il s'agit du passage de la Trinité et de l'impasse Saint-Denis.

                  

                  

jeudi 24 avril 2014

CIMETIERE MONTPARNASSE (1) - PARIS XIVe arrondissement

Une promenade dans un cimetière est toujours un moment d'étonnement et parfois d'émerveillement. Un grand cimetière est une sorte de musée à ciel ouvert, livré à la curiosité des visiteurs qui découvrent les oeuvres au hasard de leur avancée. En dehors des tombes populaires toujours recherchées par des fans, il y a des monuments extraordinaires construits à la mémoire de gens souvent tombés dans l'oubli.
Si le Père Lachaise est le cimetière le plus grand et le plus impressionnant de Paris, il ne faut pas négliger ceux de Montmartre ou de Montparnasse.
Ce dernier fut créé en 1824 et occupa un enclos appartenant aux religieux de la Charité de la rue des Saints-Pères. C'en était déjà le cimetière et on y voyait aussi un moulin. Il était surnommé le Moulin Moliniste parce que des élèves jésuites venaient s'y ébattre couramment et que Luis Molina était un théologien jésuite à l'origine d'une doctrine appelée le molinisme.
Sur la photo ci-dessous, on voit ce moulin, maintenant sans aile, sur fond d'immeubles modernes dont l'esthétique reste à démontrer. Au premier plan, une tombe étrange surmontée d'une petite verrière délabrée.

J'ai ramené aussi quelques photos de sépultures pour lesquelles je n'ai pas toujours pu rassembler des renseignements sérieux. Néanmoins, ce n'est pas si mal de garder un peu de mystère autour de ces oeuvres si particulières.


Tout d'abord dans la 25e division, la tombe très dépouillée d'un peintre graveur de grand talent : Jean Carzou. Arménien né en 1907 à Alep, sous le nom le Karnik Zouloumian, il vint à Paris pour s'y installer définitivement en 1925. Il est mort en 2001. Sous cette dalle noire qui reflète le ciel et les tombes voisines reposent outre l'artiste, sa femme Nane et sa soeur Dikranouhi. Voir ici le site de sa fondation.


 Et maintenant une tombe plus mystérieuse mais qui éveille l'intérêt de beaucoup puisqu'on en retrouve de nombreuses photos sur le net. Il s'agit dans la division 26, de la tombe du Dr Nicolaï Roussev. Déjà, on peut déduire de son nom qu'il était russe et sans doute lié à la carrière militaire quand on regarde son costume et l'instrument qu'il tient à la main : un clairon. Jacques Brel l'a dit : "le clairon est une trompette en uniforme". Ses dates sont 1914-1995 et le socle de sa statue comporte une partition musicale. Si quelqu'un sait quelle a été la vie de cet homme, qu'il me mette un commentaire. Merci.


Au centre d'une petite place circulaire se trouve un monument de Horace Daillon (1854-1937) intitulé le Génie du sommeil éternel. Cette sculpture datant de 1889 ne recouvre aucune sépulture.

A proximité, jetons un regard sur un monument néo-gothique de la 3e division. Il abrite les restes de Carlo Micheli (1809-1895). Cet homme a été un collectionneur d'art et plus particulièrement d'oeuvres gothiques qui ont été vendues par sa fille Marie au musée Mayer van den Bergh d'Anvers. Ceci explique la forme prise par ce monument funéraire.

Juste à côté, un autre monument est surmonté par un buste représentant Alexandre Joseph Desenne (1785-1827), dessinateur illustrateur d'oeuvres littéraires classiques (Racine, Rousseau, etc.). Le buste est dû à Nicolas Raggi (1790-1862).

Sans plus s'éloigner, on remarque cette jeune personne que l'on a placé au dessus d'une tombe où repose Marie-Jacques Mallat de Bassillan  (1825-1897), poète membre des Hirsutes et des Hydropathes. Sur la pierre tombale figure un de ses poèmes intitulé La Fleur du Souvenir. La sculpture est due à Aimé Millet (1819-1891) artiste de talent très en vogue sous le Second Empire.



De l'autre côté de la place, une tombe attire le regard. Deux mains enserrent une croix. C'est la tombe d'un décorateur nommé Robert Thibier (1926-2001). La sculpture n'est pas sans rappeler un thème cher à Rodin, mais on ignore qui en est l'auteur.

 Toujours sur la place, il y a aussi cette chapelle moderne qui abrite les restes de la famille Mentzelopoulos. Le père, André, naquit à Patras en Grèce, puis vint s'installer en France. En 1958, il racheta le chaîne de magasins Felix Potin et plus tard le domaine Château Margaux. Félix Potin n'existe plus, mais Château Margaux appartient toujours à la fille d'André, Corinne Mentzelopoulos. A l'intérieur de la chapelle mortuaire on aperçoit une belle icone en mosaïque.



Dans la 4ème division, on peut voir un monument remarquable. Ce n'est pas une tombe mais une sculpture qui était installée jusqu'en 1965 dans le jardin du Luxembourg. Elle fut jugée inconvenante et on la déménagea dans le cimetière ce qui reste une idée bizarre. En effet, est-il plus choquant de voir un homme nu plutôt qu'une femme dans le même appareil, chose pourtant courante dans les jardins et squares ? Et d'autre part, si on considère que ça l'est, pourquoi plus ici que là?
L'auteur de ce monument émouvant qui se nomme "la Séparation du couple" est malheureusement inconnu.

 Tout à côté, deux tombes sont surmontées de bustes intéressants. L'un est celui d'Albert Petrot (1837-1897), avocat et homme politique, il fut président du conseil de l'ordre du Grand Orient de France.
L'autre offre bien plus d'intérêt par la qualité de la sculpture et le personnage représenté: Adolphe Pégoud (1889-1915) aviateur, le premier à effectuer un looping et à faire des acrobaties aériennes et héros de la première guerre mondiale. Il fut tué lors d'un combat aérien à Petit-Croix (Territoire de Belfort). Son buste est dû à Julien-Prosper Legastelois (1855-1931).

Le contraste est grand entre cette dernière tombe et celle de ce jeune officier mort aussi pendant la grande guerre. Le sous-lieutenant Jean-Marie Hatier a été tué le 20 août 1917 à Cumières-le-Mort-Homme dans la Meuse (bataille de Verdun, la commune fait partie des communes totalement disparues). On ressent, en observant ce monument, quel a été l'immense chagrin de ses proches pour la disparition de ce jeune homme de 27 ans. Eux ont eu les moyens de faire construire une tombe en souvenir de leur disparu. Beaucoup n'ont même pas eu cette petite compensation.


Dans la 14ème division, on peut voir une tombe très simple, sans décor; c'est celle de la famille Deschanel dont le membre le plus éminent, prénommé Paul (1855-1922), fut président de la République, et aussi académicien, sénateur, président de la Chambre des Députés. Son père Emile, avait été professeur au Collège de France et également sénateur. Un de ses fils, Louis-Paul a été tué dès la début de la 2ème guerre mondiale le 16-09-39; il avait 30 ans.





 Dans la 6ème division, on peut faire une rencontre insolite avec la Joconde. C'est une sculpture de l'artiste qui est enterré là. Cette tombe recouvre les restes de André del Debbio (1908-2010), né à Carrare (lieu prédestiné pour un sculpteur) et devenu français après que son père eût émigré en 1909. Sa tombe reflète son admiration pour son compatriote toscan, Léonard de Vinci.




Avant de quitter (provisoirement) ce cimetière, je dépose deux photos datant de quelques années où on peut voir une superbe glycine qui égayait une tombe. C'était ce qu'on voyait en passant par l'entrée au coin de la rue Froidevaux et de la rue Emile Richard. Aujourd'hui la glycine a été coupée pour ménager les grilles sur lesquelles elle grimpait. 

mercredi 16 avril 2014

PASSAGE VENDÔME - PARIS IIIe arrondissement.

Ce passage en dépit de son nom n'a rien à voir avec la lointaine place homonyme. Il joint la place de la République à la rue Béranger. Cette rue fut percée en 1696 et fut appelée tout d'abord rue Vendôme du nom d'un hôtel particulier au n°5.
Plus tard, en 1864, on débaptisa la rue pour rendre hommage à Pierre-Jean Béranger, un chansonnier bonapartiste très populaire au XIXe siècle, qui avait passé ses dernières années dans l'hôtel en question.
Le passage Vendôme fut construit en 1827, sous Charles X. Il remplaçait un autre passage à ciel ouvert dit du Jeu de paume.
Au début, il rencontra un grand succès, d'autant qu'il donnait d'un côté sur le boulevard du Temple très animé par les théâtres qui y étaient installés, et de l'autre sur le marché du Temple, foire en constante effervescence.
Malheureusement, très rapidement et très curieusement, dès 1831, il perdit tout attrait pour les promeneurs. Aujourd'hui, ça ne s'est pas arrangé et on n'y rencontre pas foule.
Il n'en demeure pas moins qu'il possède ce charme désuet propre à tous les passages parisiens avec ses belles verrières et ses fenêtres cintrées au premier étage.
Place de la République
Rue Béranger
                   



jeudi 3 avril 2014

EGLISE NOTRE-DAME DES ARTS- PONT DE L'ARCHE. (Eure)

Le village du Pont-de-l'Arche est situé sur les cours de l'Eure et de la Seine qui se rejoignent à dix kilomètres en aval. Elle fut construite au IXe siècle pour se défendre contre les incursions vikings qui cherchaient à remonter la Seine jusqu'à Paris.
L'église Notre-Dame des Arts s'appelait autrefois Saint-Vigor (un évêque de Bayeux qui lutta au 6e siècle contre le paganisme). Ce n'est qu'en 1896, que l'on décida de placer l'église sous le patronage de Notre-Dame-des-Arts (voir ici un blog très intéressant sur le passage d'un patronage à un autre et sur l'église en général ).
Jadis, elle dépendait de l'abbaye de Jumièges (voir ici)
Datant du XVIe siècle, elle est de style gothique flamboyant. la façade sud est particulièrement remarquable avec sa dentelle de pierre. Dépourvue de transept, elle possède une nef unique flanquée de deux bas-côtés.
          
L'intérieur, lumineux, réserve de bonnes surprises, comme ce maître-autel ou celui du bas-côté sud. 



Il y a aussi de beaux vitraux tel celui-ci datant de 1605 et qui relate le difficile passage des bateaux sous le pont à cause du halage qui se faisait à bras d'hommes ou à l'aide de chevaux. 






Et en parlant de vitraux, je ne peux manquer de montrer les très jolies taches de lumières qu'ils projettent sur les murs et les dalles de l'église.
            

Un peu cachée derrière un pilier, on peut découvrir cette touchante piéta à qui les paroissiens confient des petits papiers où ils expriment des voeux ou des remerciements.