mardi 11 août 2015

RUE DES GRANDS-AUGUSTINS - PARIS - VIème arrondissement.

La rue des Grands-Augustins tient son nom d'un couvent qui était implanté à proximité. Il avait été fondé en 1293 par les ermites de Saint-Augustin.
Auparavant, et cela depuis 1269, elle avait abrité un collège fondé par un abbé de Saint-Denis et avait porté le nom de rue du Collège-Saint-Denis puis des Charités-Saint-Denis.

Evidemment, la façade la plus voyante de la rue, celle qui attire le regard, c'est celle du n°1. Fondé à l'origine en 1766 par Lefèvre, limonadier du roi, le restaurant prit son essor lorsque la couvent des Augustins fit place au marché de la Vallée consacré à la volaille et au gibier. Plus tard, en 1850, Jules Lapérouse rachète cet établissement et est rejoint par un cuisinier d'exception Auguste Escoffier. Le fait de mettre à la disposition des clients des cabinets particuliers, fait la joie des écrivains et des intellectuels de l'époque. Ces cabinets existent toujours et permettent à des personnes cherchant à conserver une relative intimité de se retrouver discrètement. Ce n'est pas forcément pour des rendez-vous coquins, mais aussi pour des négociations  confidentielles entre politiques, hommes d'affaires, etc.. Un coup d'oeil au site du restaurant donne une idée de la qualité des mets et de leurs prix (voir ici). Petite précision : il n'y a aucun rapport entre ce restaurant et le célèbre navigateur disparu en 1888.
L'élégante façade bleue, brun et or, est décorée de panneaux émaillés représentant de jolies parisiennes en robe de la Belle Epoque ou de paysages bucoliques.
              


Le n°3 montre un beau portail. Cette maison faisait partie de l'hôtel de Savoie-Nemours morcelé en 1670.
Ici, habitèrent Sonia et Robert Delaunay qui y hébergèrent Guillaume Apollinaire.





Le n°7 a un passé intéressant et très varié.
Ainsi en 1573, cet hôtel  appartenait à Antoine Duprat, prévôt de Paris de 1553 à 1592,  arrière-petit-fils du Chancelier de François Ier. Or, le comte d'Anjou (futur Henri III) venait d'être élu roi de Pologne. Il avait pour maîtresse la blonde Renée de Rieux dite la belle Chateauneuf et avait le souci de la marier au mieux pour sauver les apparences. Il proposa l'affaire à Antoine Duprat qui la déclina. Pour se venger, le prince se fit inviter ainsi que son frère, le roi de France Charles IX et son cousin, le roi de Navarre (futur Henri IV). Comment refuser un tel honneur de recevoir trois rois d'un coup. Malheureusement, les invités (et leurs suites) firent de grandes ripailles et quand ils partirent, emportèrent avec eux l'argenterie et 50 000 livres qui étaient dans un coffre. Comment la victime jugea-t-elle cette royale plaisanterie? L'histoire ne le dit pas.
L'hôtel fut englobé dans un ensemble de Savoie-Nemours et en 1670, il retrouva son autonomie.
C'est là que Honoré de Balzac situe le domicile du peintre Frans Porbus dans la nouvelle intitulée "le Chef-d'oeuvre inconnu". Prémonition? Puisque Pablo Picasso s'installa dans cette demeure à partir de 1936. Il y peignit Guernica. C'est aussi là qu'il passa la période de l'occupation. Il n'en partit qu'en 1955.
Auparavant, Jean-Louis Barrault y installa de 1932 à 1936, son théâtre expérimental et hébergea brièvement le groupe Octobre de Jacques Prévert.
             




Le n°8 a aussi un passé historique. Aujourd'hui, on y trouve un restaurant nommé Relais Louis XIII parce que ce serait l'endroit précis où ce jeune roi de neuf ans fut intronisé, une heure après le décès de son père, Henri IV, assassiné rue de la Ferronnerie (voir ici).














La façade qui suit avec le même numéro, porte des témoignages moins prestigieux mais néanmoins intéressants. On y voit un creux dans le mur qui correspond au logement où l'on posait une lanterne d'éclairage public à huile. Le préposé la chargeait et l'allumait le soir. L'huile brûlait toute la nuit et au matin, la lampe s'éteignait faute de carburant. La lumière qui s'en dégageait était surement moins forte que l'éclairage électrique actuel, mais c'était déjà un grand progrès par rapport à l'obscurité complète propice aux détrousseurs de toute espèce. Datant du XVIIIe siècle, c'est, ici, l'un des deux derniers témoignages de ce système encore existants à Paris.
On peut également voir sur la façade une plaque de nivellement bien conservée qui indique que nous sommes précisément à 34,99 m d'altitude.
        
Au coin avec la rue de Savoie et donc au n°13, est installée la prestigieuse maison de thés Mariage Frères, célèbre dans le monde entier y compris au Japon, où elle possède quatre maisons de thé.






 Une belle enseigne fait le coin avec la rue Christine (du nom de la fille d'Henri IV devenue duchesse de Savoie). Elle porte le nom de Jacques Cagna qui exploita un restaurant sur la rue des Grands Augustins. Il en avait ouvert un autre, rue Christine, qu'il avait appelé la Rôtisserie d'en face. Finalement, il décida de se replier sur ce dernier qui fonctionne à merveille.



A côté de Mariage Frères, au      n°15, se situe un immeuble qui fut habité par le peintre japonais Kéou Nishimura de 1961 à 1993.








Le n°19 est un hôtel du XVIIIe siècle avec un beau porche.









Le n°18 quant à lui, date du XVIIe.







Le n°23 avec sa porte cloutée comme pour un château fort, était au XVIIe, l'hôtel des Charités-Saint-Denis.
Très impressionnant, ce portail comporte encore les chasse-roues et les protections latérales qui empêchaient les voitures attelées d'abîmer les murs.












Le n°25, dont l'aspect extérieur paraît moins ancien, offre un autre intérêt. Une plaque indique que Jean de La Bruyère (1645-1696) y habita de 1676 à 1691. Hors, on trouve d'autres informations qui disent qu'il habitait en fait au 26 donc en face. Dans le même temps, il aurait aussi été hébergé par le duc de Condé dont il était le précepteur du petit-fils. Ce qui est plus sûr, c'est qu'Augustin Thierry (1795-1856) habita cette maison entre 1820 et 1830. Historien et écrivain, on lui doit une "Histoire de la conquête de l'Angleterre par les Normands" et "Récits des temps mérovingiens".
Une autre célébrité s'y installa en 1841: Henri Heine (1797-1856).
Un bar s'est installé au pied de l'immeuble et a pris opportunément le nom de l'oeuvre majeure de La Bruyère : "les Caractères".



 Le n°28 abrite un restaurant appelé Roger-la-Grenouille avec une enseigne amusante.









La rue des Grands-Augustins se termine rue Saint-André-des-Arts. Au coin de ces deux voies se trouve un très bel hôtel particulier dont la façade est située au 52, rue Saint-André-des-Arts. Il s'agit de l'hôtel du Tillet de la Bussière construit entre 1740 et 1750.
              


vendredi 7 août 2015

COUCHES - SAÔNE-ET-LOIRE.

Le village de Couches se trouve à 30 km, à l'ouest de Chalon-sur-Saône. Il possède un passé important dont le témoignage principal est son château médiéval.

Il est surnommé le château de Marguerite de Bourgogne pour une hypothétique possibilité que cette princesse aurait fini sa vie dans ce lieu.
Rappel historique: Marguerite, fille du duc Robert II de Bourgogne et d'Agnès de France, fille du roi Louis IX le Saint est née en 1290. En 1305, elle épouse Louis, fils aîné de Philippe IV le Bel et donc futur roi de France . Par sa mère, le jeune Louis est déjà roi de Navarre. Marguerite accouche l'année suivante d'une fille prénommée Jeanne. 
Mais la jeune Marguerite est gaie et avide de plaisir. Elle est peu encline à la soumission que les princesses d'alors doivent endurer. Avec ses cousines et belles-soeurs Jeanne et Blanche, elles vont se donner du bon temps avec deux jeunes chevaliers, Gauthier et Philippe d'Aunay. Malheureusement pour elles, l'affaire éclate au grand jour, et provoque un immense scandale. Le roi Philippe IV de moeurs rigides, ne rigole pas avec la réputation de la famille royale. Les deux amants sont condamnés à mort après de longues et horribles tortures. Quant aux princesses, elles sont envoyées à Château-Gaillard pour Marguerite et Blanche. Jeanne, qui n'a été que complice mais qui n'a pas commis l'adultère, est enfermée dans la forteresse de Dourdan.
Ces événements se passèrent en avril 1314; hors, en novembre suivant, le roi mourut et Louis X accéda au trône. Il n'allégea pas le régime carcéral de sa femme et de ses belles-soeurs. 
Pour lui, l'important était d'assurer sa descendance. Compte tenu de la conduite de Marguerite, il n'était même pas sûr que sa fille était de lui. Prononcer l'annulation de son mariage aurait été possible si le pape l'accordait. Mais manque de chance, il y avait aussi un problème de vacance du pouvoir papal. 
Comme par hasard, Marguerite mourut le 30 avril 1315. Evidemment, on peut imaginer qu'on l'a un peu aidé à mourir. C'est l'hypothèse retenue par Maurice Druon dans "les Rois maudits"; pour les historiens, il est plus probable qu'elle a été victime des mauvais traitements subis dans sa prison (prison insalubre et froide, mauvaise nourriture, etc.) et qu'elle est morte de tuberculose.
Une troisième hypothèse a aussi vu le jour: sa famille aurait réussi à la faire sortir de Château-Gaillard et à la conduire secrètement à Couches chez sa cousine Marie de Beauffremont. Elle y aurait vécu cachée et ne serait morte qu'en 1333. Rien n'a jamais pu être prouvé, mais la rumeur s'est perpétuée durant des siècles et permet de donner à ce château un supplément de mystère propre à éveiller l'intérêt des touristes.
La château situé un peu à l'écart de la ville, est une belle construction datant du XIIe au XVe siècles et à laquelle fut ajouté au XIXe un logis plus confortable.
Il fut la propriété de plusieurs familles dont les Montagu (par la dot de Marie de Bauffremont citée plus haut) les Rochechouard ou les Aumont. Il appartient aujourd'hui à la famille Poelaert.

        
        
La tour carrée qui est en fait le donjon abrite quelques belles pièces de mobilier ou de décoration, comme ce banc du XVe siècle ou cette tapisserie d'Aubusson aux couleurs bien conservées.
     



Le bâtiment à droite au fond de la cour abrite la chapelle du château où on peut découvrir quelques belles sculptures gothiques.
Derrière la chapelle, une tour ronde sur laquelle sont accrochés des latrines, et la terrasse d'où on découvre un vaste paysage.
           




Le logis est une construction plus récente puisqu'elle date du XIXe siècle et possède deux tours carrées. Devant se trouve un vieux puits. On peut aussi admirer une réplique de balustre dans la cour.
         
Ce château possède un autre lieu intéressant : ses caves et souterrains, difficiles à photographier compte tenu du manque de lumière.

Le village de Couches ne se limite pas au seul château, il existe aussi dans la commune quelques bâtiments anciens.
Telle cette belle maison dite des Templiers. Construite en 1610, elle est ainsi nommé parce qu'elle accueillit clandestinement le pasteur et ses fidèles de l'église réformée, après la révocation de l'Edit de Nantes en 1685.
      


La tour Guérin est une construction militaire datant de la fin du XIIe siècle qui était destinée à héberger la garnison militaire royale chargée de défendre les moines voisins.







On peut aussi découvrir les vestiges d'un prieuré fondé au IXe siècle et plusieurs fois détruit et rebâti. On y voit des sculptures gothiques ou plus tardives comme sur les photos ci-contre.
Ce prieuré dépendait de l'abbaye de Flavigny. A partir de 1620 et jusqu'en 1762, il fut la résidence d'été des Jésuites d'Autun. Il est aujourd'hui une salle de réception appartenant à la commune.