jeudi 20 novembre 2014

Autour de la PLACE D'ITALIE - PARIS - XIIIème arrondissement.

La place d'Italie marquait autrefois la limite entre Paris et Gentilly. Ce carrefour était traversé par le mur des Fermiers-Généraux à la place duquel on trouve maintenant les boulevards de l'Hôpital et Auguste Blanqui. Il y avait des pavillons d'octroi construits par Ledoux qui furent détruits en 1877. Aujourd'hui, la place n'a rien de remarquable; on y trouve la mairie du XIIIème qui est un bâtiment sans surprise, construit entre 1866 et 1881 par l'architecte Paul-Emile Bonnet (1828-1881) et achevé par Antoine Soudée (1839-1909) en 1893. Face à la mairie, on y voit aussi un centre commercial appelé Italie 2. Il est installé dans un bâtiment réalisé par l'architecte japonais Kenzo Tange. Il y avait naguère dans cet édifice, un cinéma avec un des plus grands écrans du monde. Ce cinéma a fermé en 2006 au grand désespoir des amateurs de films à grand spectacle. Malheureusement, cet immeuble a été enlaidi par une installation genre Meccano due à des artistes : "Thierry Vidé Design" qui sont pourtant parfois capables de jolies choses.
                                                     

Autour de la place, on peut aussi trouver cette sculpture de Ossip Zadkine (1890-1967) intitulée "Retour du fils prodigue", et le monument aux morts du XIIIème arrondissement.



Tout près de la place, en empruntant le boulevard Auguste Blanqui, on découvre un charmant kiosque, puis en descendant le boulevard, s'ouvre à droite le portail d'une école prestigieuse : l'École Estienne des Arts et Industries Graphiques. Elle doit son nom à une célèbre famille d'imprimeurs du XVIe siècle. Abel Hovelacque qui en fut le fondateur a une rue adjacente qui lui est consacrée. C'est l'architecte Manjot de Dammartin qui, en 1896, construisit le bâtiment qui l'abrite dans un style inspiré de celui du début du XVIIe siècle.
   


 Les élèves de l'école organisent des expositions dans le jardin et il arrive aussi qu'ils s'expriment sur les murs.






Un peu plus bas, sur la gauche du boulevard, un petit espace vert reçoit un monument émouvant dédié à Ernest Rousselle (1836-1896) président du Conseil Municipal de Paris et de la Commission des enfants assistés. Le monument est dû à Michel Léonard Béguine (1855-1929).


             
Juste en face se trouve la petite église Sainte Rosalie. Cette sainte était une religieuse des Filles de la Charité qui passa cinquante-quatre ans à venir en aide aux miséreux du quartier Saint Médard (Ve arrond.).
A droite, s'ouvre la rue Corvisart du nom du médecin personnel de Napoléon Ier. Autrefois, cette rue portait le joli nom de rue du Champ-de-l'Alouette.
 On y découvre aujourd'hui une petite place dédiée à la Bergère d'Ivry. C'est le rappel d'un triste fait divers qui s'était produit en 1827. La jeune Aimée Millot, orpheline, était placée comme bergère chez une dame à la morale rigoureuse. La jeune Aimée était courtisée par Honoré Ullbach qui lui offrit des petits cadeaux ce qui fit réagir la patronne d'Aimée. Elle lui ordonna de rendre ses cadeaux arguant que "toute jeune fille qui reçoit des présents des hommes doit les payer de sa vertu". Honoré Ullbach prit très mal la chose et acheta un couteau, attendit la jeune fille et la tua. Elle avait 19 ans. Le meurtrier se livra lui-même à la police et fut peu après condamné et livré à la guillotine. Cette tragique histoire mit Paris en émoi. Si la pauvre Aimée avait vécu, aurait-elle été heureuse auprès d'un individu aussi prompt à la violence, on peut se poser la question.


Là, s'ouvre l'agréable square René Le Gall du nom d'un résistant fusillé en 1942. Cet espace vert a été créé en 1938 sur un terrain appartenant au Mobilier National.


La fontaine "salamandre" est due à Véroniqe Vaster.
Le chêne à droite a été planté en 1989, le 21 mars comme un symbole de liberté. L'année 1989 avait été décrétée année des droits de l'homme, ce qui est un peu ridicule, puisque les droits de l'homme n'ont pas de raison d'être temporisés.
Le square René Le Gall, tout en longueur, se termine rue Emile Deslandres par un jardin de fleurs et de plantes aromatiques. La sortie se fait face à un mur décoré d'une fresque poétique qui représente une bergère de poissons volants.
                 

En continuant de longer la rue Emile Deslandres, puis la rue Gustave Geffroy, on arrive devant un château du XVIe siècle. C'est le château dit de la Reine Blanche. C'est Marguerite de Provence, veuve du roi Saint Louis qui fit construire un hôtel à cet endroit. Le nom qui lui fut donné peut venir du veuvage de la reine (les reines veuves étaient vêtues de blanc), de sa fille Blanche de France, ou de Blanche de Bourgogne épouse de Charles IV. Toutes les trois y ont vécu.
Un siècle plus tard, le 28 janvier 1393, à l'occasion du mariage d'une de ses suivantes, Isabeau de Bavière donna un bal où son époux Charles VI avec quelques amis s'était déguisé en sauvage. Louis d'Orléans, frère du roi, mit accidentellement le feu à un costume. Le feu rapidement, se propagea aux autres. Charles VI fut sauvé in extremis par la duchesse de Berry qui jeta sur lui un manteau. Cette fête tragique surnommée "bal des ardents", précipita la folie délirante du roi. Après ce drame, l'hôtel fut démoli et un nouveau bâtiment ne fut reconstruit qu'à la toute fin du XVe siècle. C'est là que s'installèrent deux grandes familles de teinturiers les Gobelin et les Canaye. L'hôtel fut restauré au XVIIIe siècle.
      
Et tout naturellement, on arrive avenue des Gobelins, où on découvre au n°42, la belle façade de la manufacture du même nom. C'est en 1443, que Jean Gobelin s'installa rue Mouffetard où il exerça son métier de teinturier en écarlate. La famille crût et prospéra et un de ses descendants fut marquis de Brinvilliers et épousa une femme qui fut condamnée pour avoir empoisonné toute sa famille ou presque. En 1666, Colbert acheta la fabrique issue des différentes activités des Gobelin. Charles Le Brun, peintre officiel du roi fut le premier directeur de la "Manufacture Royale des meubles et des tapisseries de la Couronne" à laquelle Colbert avait adjoint la fabrique de tapis de la Savonnerie.
La façade date de 1914 et a été dessinée par Jean-Camille Formigé (1845-1926).




Les cariatides et atlantes sont dus à Antoine Injalbert (1845-1933) et le bas-relief central à Paul Landowski (1875-1961). Quant aux médaillons qui reprennent les métiers liés à la tapisserie, ils sont de Louis Convers (1860-1915) et Jean-Baptiste Hugues (1849-1930).



A proximité, se trouve une petite place plus modeste et moins spectaculaire, dédiée à Philippe Pinel (1745-1826). Ce médecin aliéniste est connu pour avoir délivré les fous des chaines qu'on leur imposait et d'avoir humaniser leur prise en charge.
Sur la place de grandes fresques ont été peintes, l'une rend hommage au fameux médecin (par Jorge Rodriguez-Gerada), l'autre à une belle jeune femme. Cette dernière est une oeuvre de Andrea Michaelsson, artiste catalane, comme son nom ne l'indique pas. Surnommée BTOY, elle est une artiste du "streetart" dont le thème principal est le visage de femmes. Son travail est superbe.
           
Terminons ce demi-tour de la place d'Italie par la place des Alpes, minuscule enclave plantée de mûriers-platanes. A côté s'élève une école maternelle en pierre meulière caractéristique de l'architecture du début du XXe siècle.
    

samedi 15 novembre 2014

A propos d'EMILE ZOLA - IIème et IXème arrondissement.

Le 12 janvier 1898, Emile Zola, écrivain largement reconnu ayant remporté de nombreux succès journalistiques et littéraires, ulcéré par l'affaire Dreyfus, dépose au journal l'Aurore, un article qu'il remet à Georges Clémenceau. C'est le célèbre "J'accuse" qui paraîtra le lendemain, 13 janvier.
Les bureaux du journal se trouvaient à l'époque au 144, rue Montmartre dans des locaux qui avaient appartenu auparavant au journal La France. L'Aurore avait été créé en 1897 par Ernest Vaughan et dirigé par celui-ci et Georges Clémenceau.
L'immeuble avait été bâti par l'architecte Ferdinand Bal en 1883. Les sculpteurs Louis Lefèvre et Ernest Hiolle sont les auteurs des atlantes et cariatides qu'on peut voir sur la façade. Evidemment, l'occupation des locaux est moins prestigieuse aujourd'hui mais certainement plus pratique pour les habitants du voisinage.
 
Il s'ensuivit pour Zola un procès en diffamation qu'il perdit et il fut condamné à un an de prison et à verser des dommages et intérêts aux experts de l'affaire Dreyfus. Cette dernière condamnation s'élevait à trente mille francs. Sur les conseils des ses proches, l'écrivain s'était enfui à Londres au soir du procès. Il resta onze mois en exil. Il ne reviendra que le 4 juin 1899 après avoir été réhabilité. 
En attendant, au mois d'octobre 1898, la condamnation fut exécutoire. On mit donc aux enchères ses biens, c'est-à-dire le mobilier de l'appartement qu'il occupait au 21 bis rue de Bruxelles. Dès le début de la vente, une petite table est présentée; une enchère claque : "trente deux mille francs". C'est Eugène Fasquelle, l'éditeur d'Emile Zola qui prend à sa charge le paiement des dommages.
             
11 octobre 1898, vente publique des biens d'Emile Zola
C'est dans cet appartement de la rue de Bruxelles qu'Emile Zola trouva la mort le 2 septembre 1902. Son décès fut causé par les émanations toxiques d'un feu dans la cheminée de la chambre des époux. L'épouse d'Emile, Alexandrine survécut. On ne sut jamais si cette mort fut accidentelle ou si c'est un de ses nombreux ennemis qui l'avait provoquée. 
D'abord enterré dans le cimetière Montmartre, son corps fut transféré au Panthéon en 1908.
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A noter que l'immeuble de l'Aurore évoqué plus haut, fait le coin avec la rue du Croissant. Juste en face, se trouve un café tout aussi historique qui fut le théâtre d'une tragédie. Le 31 juillet 1914, c'est dans le café du Croissant alors que Jean Jaurès dînait en compagnie de collaborateurs, qu'un individu nommé Raoul Villain lui tira deux balles de pistolet; l'une se perdit dans une boiserie, l'autre tua Jaurès sur le coup.