Auparavant, et cela depuis 1269, elle avait abrité un collège fondé par un abbé de Saint-Denis et avait porté le nom de rue du Collège-Saint-Denis puis des Charités-Saint-Denis.
Evidemment, la façade la plus voyante de la rue, celle qui attire le regard, c'est celle du n°1. Fondé à l'origine en 1766 par Lefèvre, limonadier du roi, le restaurant prit son essor lorsque la couvent des Augustins fit place au marché de la Vallée consacré à la volaille et au gibier. Plus tard, en 1850, Jules Lapérouse rachète cet établissement et est rejoint par un cuisinier d'exception Auguste Escoffier. Le fait de mettre à la disposition des clients des cabinets particuliers, fait la joie des écrivains et des intellectuels de l'époque. Ces cabinets existent toujours et permettent à des personnes cherchant à conserver une relative intimité de se retrouver discrètement. Ce n'est pas forcément pour des rendez-vous coquins, mais aussi pour des négociations confidentielles entre politiques, hommes d'affaires, etc.. Un coup d'oeil au site du restaurant donne une idée de la qualité des mets et de leurs prix (voir ici). Petite précision : il n'y a aucun rapport entre ce restaurant et le célèbre navigateur disparu en 1888.
L'élégante façade bleue, brun et or, est décorée de panneaux émaillés représentant de jolies parisiennes en robe de la Belle Epoque ou de paysages bucoliques.
Le n°3 montre un beau portail. Cette maison faisait partie de l'hôtel de Savoie-Nemours morcelé en 1670.
Ici, habitèrent Sonia et Robert Delaunay qui y hébergèrent Guillaume Apollinaire.
Le n°7 a un passé intéressant et très varié.
Ainsi en 1573, cet hôtel appartenait à Antoine Duprat, prévôt de Paris de 1553 à 1592, arrière-petit-fils du Chancelier de François Ier. Or, le comte d'Anjou (futur Henri III) venait d'être élu roi de Pologne. Il avait pour maîtresse la blonde Renée de Rieux dite la belle Chateauneuf et avait le souci de la marier au mieux pour sauver les apparences. Il proposa l'affaire à Antoine Duprat qui la déclina. Pour se venger, le prince se fit inviter ainsi que son frère, le roi de France Charles IX et son cousin, le roi de Navarre (futur Henri IV). Comment refuser un tel honneur de recevoir trois rois d'un coup. Malheureusement, les invités (et leurs suites) firent de grandes ripailles et quand ils partirent, emportèrent avec eux l'argenterie et 50 000 livres qui étaient dans un coffre. Comment la victime jugea-t-elle cette royale plaisanterie? L'histoire ne le dit pas.
L'hôtel fut englobé dans un ensemble de Savoie-Nemours et en 1670, il retrouva son autonomie.
C'est là que Honoré de Balzac situe le domicile du peintre Frans Porbus dans la nouvelle intitulée "le Chef-d'oeuvre inconnu". Prémonition? Puisque Pablo Picasso s'installa dans cette demeure à partir de 1936. Il y peignit Guernica. C'est aussi là qu'il passa la période de l'occupation. Il n'en partit qu'en 1955.
Auparavant, Jean-Louis Barrault y installa de 1932 à 1936, son théâtre expérimental et hébergea brièvement le groupe Octobre de Jacques Prévert.
Le n°8 a aussi un passé historique. Aujourd'hui, on y trouve un restaurant nommé Relais Louis XIII parce que ce serait l'endroit précis où ce jeune roi de neuf ans fut intronisé, une heure après le décès de son père, Henri IV, assassiné rue de la Ferronnerie (voir ici).
La façade qui suit avec le même numéro, porte des témoignages moins prestigieux mais néanmoins intéressants. On y voit un creux dans le mur qui correspond au logement où l'on posait une lanterne d'éclairage public à huile. Le préposé la chargeait et l'allumait le soir. L'huile brûlait toute la nuit et au matin, la lampe s'éteignait faute de carburant. La lumière qui s'en dégageait était surement moins forte que l'éclairage électrique actuel, mais c'était déjà un grand progrès par rapport à l'obscurité complète propice aux détrousseurs de toute espèce. Datant du XVIIIe siècle, c'est, ici, l'un des deux derniers témoignages de ce système encore existants à Paris.
On peut également voir sur la façade une plaque de nivellement bien conservée qui indique que nous sommes précisément à 34,99 m d'altitude.
Au coin avec la rue de Savoie et donc au n°13, est installée la prestigieuse maison de thés Mariage Frères, célèbre dans le monde entier y compris au Japon, où elle possède quatre maisons de thé.
Une belle enseigne fait le coin avec la rue Christine (du nom de la fille d'Henri IV devenue duchesse de Savoie). Elle porte le nom de Jacques Cagna qui exploita un restaurant sur la rue des Grands Augustins. Il en avait ouvert un autre, rue Christine, qu'il avait appelé la Rôtisserie d'en face. Finalement, il décida de se replier sur ce dernier qui fonctionne à merveille.
A côté de Mariage Frères, au n°15, se situe un immeuble qui fut habité par le peintre japonais Kéou Nishimura de 1961 à 1993.
Le n°19 est un hôtel du XVIIIe siècle avec un beau porche.
Le n°18 quant à lui, date du XVIIe.
Le n°23 avec sa porte cloutée comme pour un château fort, était au XVIIe, l'hôtel des Charités-Saint-Denis.
Très impressionnant, ce portail comporte encore les chasse-roues et les protections latérales qui empêchaient les voitures attelées d'abîmer les murs.
Le n°25, dont l'aspect extérieur paraît moins ancien, offre un autre intérêt. Une plaque indique que Jean de La Bruyère (1645-1696) y habita de 1676 à 1691. Hors, on trouve d'autres informations qui disent qu'il habitait en fait au 26 donc en face. Dans le même temps, il aurait aussi été hébergé par le duc de Condé dont il était le précepteur du petit-fils. Ce qui est plus sûr, c'est qu'Augustin Thierry (1795-1856) habita cette maison entre 1820 et 1830. Historien et écrivain, on lui doit une "Histoire de la conquête de l'Angleterre par les Normands" et "Récits des temps mérovingiens".
Une autre célébrité s'y installa en 1841: Henri Heine (1797-1856).
Un bar s'est installé au pied de l'immeuble et a pris opportunément le nom de l'oeuvre majeure de La Bruyère : "les Caractères".
Le n°28 abrite un restaurant appelé Roger-la-Grenouille avec une enseigne amusante.
La rue des Grands-Augustins se termine rue Saint-André-des-Arts. Au coin de ces deux voies se trouve un très bel hôtel particulier dont la façade est située au 52, rue Saint-André-des-Arts. Il s'agit de l'hôtel du Tillet de la Bussière construit entre 1740 et 1750.
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