dimanche 13 octobre 2013

CHÂTEAU DE CHAMPS-SUR-MARNE (Seine-et-Marne)

Ce château de taille modeste est une merveille d'élégance dans le plus pur style du début du XVIIIe siècle.
C'est Pierre Bullet aidé de son fils Jean-Baptiste Bullet de Chamblain qui en commença les plans en 1699. Le château fut terminé en 1707.
Entre temps, il avait changé de propriétaire. En effet Charles Renouard de la Touane, le premier commanditaire, trésorier à l'extraordinaire des guerres, avait fait une faillite retentissante et était mort (selon les sources en 1701 ou en 1704). C'est un de ses collègues financiers, Paul Poisson de Bourvallais qui prit sa suite. Ce dernier conserva le château jusqu'en 1718 quand il fut aussi condamné à payer une amende formidable. Il mourut d'ailleurs six mois plus tard. En ce temps-là, les financiers s'enrichissaient vite et pas toujours honnêtement. Jalousés par la noblesse, ils ne tardaient pas à sombrer.
Le château de Champs fut adjugé à la princesse de Conti, Marie-Anne de Bourbon, alias mademoiselle de Blois, fille de Lousi XIV et de sa favorite Louise de La Vallière. Elle le cèda en 1739, à son cousin Charles-François de La Baume-Le Blanc, duc de La Vallière, qui le légua à son fils Louis-César en 1755.
Ce dernier engage des travaux et en particulier il charge Christophe Huet (1700-1759) de la décoration. Celui-ci crée le salon chinois qui reste la pièce la plus remarquable.
De 1757 à 1759, la Marquise de Pompadour loue le château à son ami qui ne veut plus l'habiter.
Finalement, le duc de La Vallière vend le domaine à Gabriel-Michel de Tharon. La fille de celui-ci en hérite, mais sous la Révolution elle finit, comme beaucoup, sur l'échafaud. Le Château est alors saisi comme bien national.
Au XIXe siècle, il passe de mains en mains et ce n'est qu'en 1895 que Louis Cahen d'Anvers, banquier richissime l'acquiert. C'est le début de la résurrection du château. Le nouveau propriétaire le fait restaurer et remeubler par Walter André Destailleur (1867-1940). Charles Cahen d'Anvers le reçoit en héritage, et il en fait finalement don à l'état en 1935.
Jusqu'en 1974, il servit à recevoir les chefs d'état en visite en France.
En 2007, un plafond s'écroule. L'ignoble mérule pleureuse a attaqué insidieusement les boiseries. Il a fallu six ans pour redonner au château sa splendeur. Il est rouvert au public depuis juin 2013.











 Tout de suite après le vestibule, s'ouvre le grand salon.
On y découvre entre autres de belles porcelaines de Chine.           



Lui succède le fumoir, pièce plus modeste.






On entre ensuite dans le salon chinois, pièce à la fois insolite et magnifique. Ce genre de décor délicat était très à la mode au milieu du XVIIIe siècle. Evidemment, les motifs et décorations sont inspirés d'un extrême-orient de fantaisie. Les fauteuils sont recouverts de tapisseries illustrant les fables de La Fontaine.
 

               



Vient ensuite le salon rouge qui fut l'ancienne chambre de l'épouse de Louis Cahen d'Anvers et qui fut plus tard transformée en bureau.

Le portrait du fond est attribué à Pompeo Batoni et certains y voient la marquise de Pompadour. Il y a certes une légère ressemblance, mais c'est peu probable, quand on compare avec ce portrait de la marquise par Boucher, de l'époque où elle était locataire de Champs.

Le cabinet en camaïeu était à l'origine un cabinet de toilette. Christophe Huet y a peint un très joli décor de chinoiseries dans des tons de bleu.
                      
La salle à manger au décor assez léger au regard des autres pièces. Un grand tableau représentant une scène de chasse rappelle que le domaine était largement dévolu à cette activité qui était le passe-temps favori de la noblesse. De grandes vasques en marbre sont alimentées en eau par des fontaines à visages humains dorés.




Une curiosité est la salle à manger des enfants qui fut une salle de bains au XVIIIe siècle.

La marquise de Pompadour l'avait fait décorer en stuc imitant le marbre par Louis Mansiaux stucateur du roi.

On aperçoit au fond, entre la cheminée et la fenêtre, une chaise d'enfant. C'était celle qu'on utilisait pour  Nissim de Camondo, fils d'Irène Cahen d'Anvers et petit-fils des propriétaires.



Décoré de sculptures monumentales, l'escalier d'honneur permet d'accéder au premier étage. Il était destiné à impressionner les visiteurs par son importance. La rampe d'escalier porte le monogramme LC pour Louis Cahen.
                 

On accède tout de suite au salon de musique, puis à la chambre bleue et à la chambre d'honneur.
Les deux portraits du salon de musique sont ceux du couple Cahen d'Anvers.









La chambre d'honneur bien que datant du XIXe siècle reprend les codes du XVIIIe avec sa balustrade séparant l'alcôve du reste de la pièce et son lit à la duchesse. Les boiseries sont finement sculptées de décor d'oiseaux. Le mobilier est aussi particulièrement beau.
           

La salon d'angle ainsi nommé parce qu'il est au coin du château, côté jardin, sur lequel les fenêtres s'ouvrent.
Ce portrait de Louis XIV à l'âge de dix ans est dû à Pierre Mignard (1612-1695), peintre auteur de nombreux portraits et de la fresque du dôme du Val-de-Grâce (ici)






La chambre de Monsieur et Madame est celle où dormait le couple de Charles Cahen d'Anvers et son épouse. Là encore on peut voir sur les murs et au plafond de magnifiques sculptures représentant des scènes mythologiques. Le tableau représentant Flore sous les traits d'un dame inconnue, est de Nicolas de Largillière (1656-1746).
           

 Les deux salles de bain qui suivent bénéficient du confort nouveau à la fin du XIXe siècle.
Dans le fond à droite, sous un décor fleuri très frais, le cabinet d'aisance.








Pour finir, la chambre grise a conservé ses boiseries d'origine. Le tableau est de Jean Raoux (1677-1734) et représente une femme inconnue.









La façade côté jardin est certainement la plus remarquable et la plus élégante avec son avant-corps en arrondi.
Le domaine à l'origine comportait 600 hectares de terres agricoles, de bois et de jardins destinés à la chasse. Il ne reste aujourd'hui "que 85 hectares".
Les jardins à la française ont été conçus au XVIIIe par Claude Desgot, élève d'André Le Nôtre. Il fut suivi par son gendre Garnier d'Isle.
A partir de 1895, Henri Duchêne prend en charge la restitution du parc en le composant en jardin mixte, régulier au centre, irrégulier dans les autres parties.


Le bassin de Scylla situé à quelques centaines de mètres du château est assez impressionnant. Il s'inspire d'une légende mythologique gréco-latine.

 Scylla était une nymphe d'une grande beauté. Le dieu Glaucos tomba amoureux d'elle, mais elle le repoussa. Glaucos prêt à tout, demanda à Circé un philtre d'amour. En fait, Circé était elle-même amoureuse de Glaucos et jalouse de Scylla. Elle confectionna une potion qui n'avait rien à voir avec l'amour. Quand Glaucos versa cette préparation dans le bain de Scylla, elle se transforma en monstre avec des têtes de chien et de serpents qui sortaient de son corps. Depuis, elle a élu domicile dans le détroit de Messine où elle terrorise les marins avec son vis-à-vis Charibde. Elle est citée dans plusieurs histoires, telles l'Odyssée, l'expédition des Argonautes, etc..
Cette fontaine pourrait dater de 1895 et être due à Walter Destailleur (architecte) et Henri Duchêne (paysagiste) cités plus haut. Malheureusement, on ignore qui en fut le sculpteur.
La partie boisée du parc est sillonnée de sentiers aboutissant à des clairières où on découvre des décors de vasques ou de statues.
         
Une impressionnante tonnelle en bois est ornée de sculptures.
           
Vue de la partie centrale du parc aménagé à la française depuis le premier étage.