Il faut entrer dans le
Jardin des Plantes par la
rue Buffon à la hauteur du n°18 et emprunter l'allée Becquerel pour découvrir ce que je vais décrire ci-dessous.
L'arbre de Judée.
En premier, ce qu'on voit est un arbre au nom compliqué ou très poétique puisqu'on l'appelle soit Cercis siliquastrum ou plus simplement
arbre de Judée. Il répond (muettement, il est vrai) aussi au nom de gainier. C'est un cousin géant du haricot et de la fève, dont le fruit est en gousse. Sa fleur pousse directement sur le tronc ou les branches. Celui-ci fut planté en 1785 et son âge oblige à le soutenir fermement.
Le robinier.
Tout de suite après, un autre arbre apparaît. Celui-ci est encore plus vénérable puisqu'il provient du jardin du botaniste
Jean Robin (1550-1629). Celui-ci reçut en 1600 des graines venant d'Amérique; il les planta et en 1630, son fils
Vespasien Robin (1579-1662) transplanta cet arbre au Jardin des Plantes nouvellement créé par Guy de La Brosse. Il est sans doute le deuxième plus vieil arbre de Paris avec son frère du square Viviani (voir
ici). En effet, le
robinier tient son nom de ce
Jean Robin qui fut le premier à l'introduire en Europe.
Il faut noter que ce qui subsiste de cet arbre, ne consiste qu'en des rejets de la souche d'origine, le tronc principal étant mort depuis longtemps. Néanmoins, il s'agit bien du même individu.
La table de Plaisanterie.
Juste à côté, une
table; elle n'est pas à cet endroit pour inviter les promeneurs à pique-niquer. Cette table est en pierre et a une histoire étrange. On l'appelle la
table de Plaisanterie. Et là, autre étrangeté, la rigolade n'a rien à y voir, car la plaisanterie en question est le nom d'une jument . Une jument prestigieuse puisque
Plaisanterie (1882-1906) gagna plusieurs courses et connut la célébrité sur les champs de courses. Mais quel rapport entre une table et une jument?
Un jour de 1885, Thomas Carter, son propriétaire lui faisait prendre de l'exercice dans la forêt de Chantilly. Alors qu'ils passaient dans le chemin des Boeufs, une allée abrupte, elle s'arrêta brusquement refusant d'avancer et grattant le sol de son sabot. Le cavalier l'inspecta pour essayer de comprendre ce qui se passait. Rien ne semblait anormal. Il alla chercher de l'aide et on creusa le sol là où Plaisanterie s'était arrêtée. Stupéfaction, on découvrit une pierre plate et ronde d'un diamètre de 2 mètres environ. On en ignore l'origine quoiqu'elle pourrait provenir du château voisin de Beaularris qui fut démoli durant la guerre de Cent ans et dont il ne reste rien. Certains supposent, mais sans certitude qu'il pourrait s'agir d'une table destinée à partager le gibier des chasses à courre.
Le mystère entoure la suite des événements puisqu'on ne sait pas ce que devint cette pierre jusque dans les années 1950 quand un peintre peu connu du nom de Henri Camus la légua avant de mourir, au Muséum d'Histoire Naturelle. On la plaça donc ici à côté du robinier multicentenaire avec un panneau explicatif racontant sa provenance. Mais, depuis 1985, même ce panneau a disparu. Il ne reste plus que la table entourée de son mystère. Une dernière chose, il parait qu'en la frappant légèrement, elle produit un son cristallin; néanmoins, comme il ne faut pas marcher sur la pelouse, il est préférable de s'assurer qu'un gardien n'est pas dans les parages.
Le philosophe et l'oeuf.
Derrière la table, on remarque une statue dont l'auteur est Jean Louis Désiré Schroeder (1828-1898) ; l'original se trouve à Bar-sur-Seine (Aube).
Cette statue représente un
philosophe tenant un oeuf et l'observant d'un air perplexe.
Evidemment, il s'agit d'une référence à la question fondamentale : qui était le premier? L'oeuf ou la poule? Fausse question, puisque depuis Lamarck et Darwin, nous savons que chaque individu de chaque espèce est le résultat d'une longue évolution qui débute il y a des milliards d'années. Avant la poule, il y avait un autre oiseau qui lui ressemblait mais qui n'était pas encore une poule et qu'encore bien avant cela, il y avait un dinosaure qui pondait aussi des oeufs. Et qu'avant cela...
Evidemment, la question de l'oeuf ou de la poule renvoie à la question bien plus cruciale de l'origine des origines : d'où venons-nous?
D'accord, l'univers est issu du Big Bang. Mais
avant le Big Bang, qu'y avait-il? Bon, j'arrête, ça donne le vertige.